Extrait le goût amer de la trahison
PROLOGUE
Sept 2001- Lille, Nord de la France
La petite fille soulève ses paupières, elle a entendu son réveil émettre des pépiements d’oiseaux. C’est sa maman qui lui a acheté ce simulateur d’aube pour son entrée à la maternelle. La description du produit vante un réveil sain et respectueux de l’horloge biologique puisque le corps est trompé par des lampes de luminothérapie mimant le lever du soleil. En prime, il y a différents sons de la nature. Elle a choisi le chant des oiseaux, car elle aime beaucoup les oiseaux.
La petite fille se frotte les yeux et se dirige vers la chambre de sa mère, juste en face de la sienne. L’appartement ne compte que deux chambres. Elle se dresse sur la pointe des pieds pour ouvrir, elle trouve un peu étrange que la porte soit fermée, sa mère ne la ferme jamais, normalement. Elle tire la poignée vers le bas et entre dans la pièce. Les volets sont clos, elle avance dans la pénombre et presse le bouton de la lampe de chevet.
— Maman, maman, faut te réveiller… Z’dois aller à l’école.
Sa maman ne bouge pas. La petite fille monte sur le lit et tente de la secouer.
— Maman… réveille-toi !
La maman ne bouge toujours pas, la petite fille se dit qu’elle dort profondément, ce qui lui arrive, surtout le week-end. Pourtant, elle est étonnée, elle creuse dans sa petite tête, essaie de se représenter sa journée de la veille. Elle visualise le prêtre près de l’autel et se souvient de son envie d’aller faire pipi qui l’a fait gigoter sur son banc sous le regard désapprobateur de sa mère. Hier, c’était bien dimanche, elle ne se trompe pas, elle connait les jours de la semaine. Donc, aujourd’hui c’est lundi et il y a école. Elle est tellement fière d’aller à l’école, elle se sent admise dans la cour des grands, pour rien au monde elle ne voudrait manquer une journée.
Elle se met à califourchon sur le corps endormi, se penche tout contre le visage aux paupières closes, elle lui donne de petites tapes sur les joues.
— Maman, réveille-toi, z’t’en supplie, réveille-toi…
Ses supplications n’étant d’aucune utilité pour réveiller sa maman, elle descend du lit et se dirige vers la cuisine. Malgré son jeune âge, elle est très éveillée et probablement dotée d’un QI au-dessus de la moyenne.
Elle ouvre le réfrigérateur et attrape une bouteille d’eau. Elle retourne dans la chambre en trottinant, la bouteille à la main, dévisse le bouchon, elle met une petite minute à le faire, elle serre les lèvres pour y arriver, et elle verse un peu du contenu sur le visage de sa mère. N’obtenant aucune réaction, elle vide progressivement toute la bouteille, mais la femme endormie n’ouvre pas les yeux. La petite fille se met alors à pleurer en secouant sa mère encore plus fort. Elle est très jeune, mais elle essaie de réfléchir malgré ses larmes. Elle court dans le séjour, attrape le téléphone et se dirige à nouveau vers la cuisine. Le numéro d’urgence est inscrit en grosses lettres rouges : 03 20 78 30 41.
Elle tape chaque numéro sur les touches correspondantes du combiné comme son papa le lui a appris, au cas où. Ses petits doigts fins appuient sur chaque numéro avec application et elle termine par le dessin vert représentant un petit téléphone. La sonnerie retentit. Elle attend, pleine d’espoir. Une voix grave décroche.
— C’est toi, mon ange ?
— Oui, oui, viens… vite… c’est maman, elle veut pas s’réveiller, z’ai peur…
L’homme à l’autre bout du fil sent son cœur vriller dans sa poitrine. Il fait signe à son patient que la séance est terminée : « Je suis désolé, une urgence. À la semaine prochaine. », puis s’empresse de répondre à la petite voix inquiète et zozotante.
— J’arrive, ma puce, j’arrive.
Son cabinet n’est qu’à 300 mètres de l’appartement, il a aussi vite fait d’y aller à vélo. Il descend les escaliers au pas de course et agrippe son vélo garé dans le local en bas de la cage d’escalier, il sort dans la rue Nationale, le vélo à la main, l’enfourche et fonce sans s’arrêter, le cœur battant, des gouttes de sueur le long de ses tempes malgré l’air déjà frais de ce mois de septembre. Il pose son vélo contre l’immeuble sans mettre d’antivol et grimpe deux étages à pied. Il ouvre la porte avec ses clés. L’enfant est face à lui et le regarde de ses grands yeux bleus légèrement grisés. Il la prend dans ses bras et la dépose dans le canapé du salon. Il allume la télé sans choisir la chaine. Un épisode des Télétubies surgit de l’écran, les bonshommes verts, jaunes, violets et rouges s’exclament en s’enlaçant : « gros câlins. »
— Je reviens, ne bouge pas, ma puce, je suis là, tout va bien se passer.
Il se précipite dans la chambre et fond sur le corps immobile. Il la secoue, mais elle ne réagit pas. Il sent une forte oppression au creux de son ventre, comme s’il allait étouffer. Il reprend son souffle et fonce vers la fenêtre, ouvre les volets, fait entrer la lumière et se rapproche de la jeune femme. Il pose sa main sur son visage pour sentir sa chaleur puis touche sa carotide pour s’assurer d’un pouls. Il sent une faible vibration sous ses doigts. Il aperçoit autour du lit des boîtes vides de médicaments. Il découvre une plaquette terminée de Téralithe®.
— Merde ! Pourquoi tu as fait ça ?
Il l’enlace de tout son corps, l’embrasse dans le cou, sur les joues, lui dit qu’il l’aime, qu’elle n’aurait pas dû, que c’est une connerie, un instant de désespoir, juste une seconde sans doute, une seconde de trop.
Il entend des bruits de pas, de petits sautillements dans le couloir. Il se relève et sèche ses larmes d’un revers de manche. Il tourne le corps de la jeune femme sur le côté, en position latérale de sécurité, et compose le 15.
Il sort de la chambre et aperçoit l’enfant.
— T’as réussi à réveiller maman, dis ?
Il prend la petite dans ses bras.
— L’ambulance arrive, ma chérie, ils vont réveiller ta maman, eux, ils ont ce qu’il faut.
— Merci, merci, mon Poutou chéri.
L’homme se laisse embrasser, mais son cœur est serré comme s’il était dans un étau, il sait qu’il vient de lui mentir. Enfin pas complètement, se rassure-t-il, peut-être qu’avec un bon lavage d’estomac, si elle n’a pas pris les doses il y a trop longtemps, elle s’en sortira.
Il retourne dans le salon pour rasseoir la petite fille devant l’écran et aperçoit, dépassant de la corbeille, un bouquet de roses. Il installe l’enfant et lui murmure en lui caressant les cheveux.
— L’ambulance va arriver dans deux minutes, ma puce, le temps que ton épisode soit fini, ils seront là.
Il se précipite vers la corbeille et en sort les fleurs. Il constate qu’elles sont fraîches, de beaux pétales bien rouges et odorants. Il a une bouffée d’angoisse. Il pressent trop bien ce qui a pu arriver. Il plonge sa main dans le reste des déchets, principalement des papiers chiffonnés, et tombe sur un morceau de carte de visite, ses doigts tremblent de rage en reconnaissant les trois premières lettres du prénom. Il plonge à nouveau sa main pour trouver le reste de la carte, il saisit les deux bouts arrachés. Au même instant, les sirènes du Samu l’avertissent de leur arrivée imminente. Il enfourne sa trouvaille dans sa poche et s’avance vers l’entrée.
Première Partie
Intuition
Diane, mai 2021, Dordogne
Aujourd’hui, j’ai joué pour la première fois dans un film. Pourtant, je ne suis pas actrice mais écrivaine. Ce n’est pas si différent finalement, il s’agit toujours de se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre. De se concentrer sur une personnalité pour arriver à la faire vivre naturellement.
Je me regarde dans le miroir de ma loge et j’ai l’impression de voir une inconnue. Cela fait longtemps que je ne me suis plus regardée. Depuis la mort de Paul. Il y a cinq ans.
Pourtant, je n’ai pas tout de suite adhéré au projet. Je dois dire que cela m’a paru étrange quand le grand réalisateur Olivier Moll m’a fait cette proposition. J’étais en pyjama en train de regarder des photos de vacances et je pleurais. Je caressais les images comme si ce geste avait le pouvoir de faire revivre ces moments disparus. Mais cela me faisait du bien. Enfin, il me semblait que ça me soulageait.
C’est Patricia, ma femme de ménage, qui m’a apporté le téléphone. Depuis le décès de Paul, elle ne fait pas seulement le ménage, elle fait tout. C’est elle qui s’occupe de trouver un plombier, de changer un appareil en rade, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans elle.
Quand Patricia s’est approchée avec le téléphone, sur le coup, j’ai fait non de la tête en la voyant arriver ; j’imaginais un de ces pauvres bougres qui essaient de vous caser un abonnement de je ne sais quoi, de vous proposer des panneaux solaires ou encore des réductions d’impôts. Patricia sait qu’elle ne doit pas me passer ceux que je surnomme les emmerdeurs, mais là, elle a insisté en pointant du doigt l’appareil et en écarquillant les yeux pour me faire comprendre l’importance de l’appel.
Je l’ai donc pris à contrecœur, mais un peu intriguée tout de même. En général, les appels importants se font plutôt du mobile.
—- Allô ! dis-je.
— Bonjour, Diane de Bélange, Olivier Moll à l’appareil.
— Olivier Moll, le réalisateur ?
— C’est cela. J’ai lu votre biographie et je suis tombé sous le charme… Tous les ingrédients d’un bon scénario sont là, dans ce livre.
— Et ?
— Je voulais vous proposer de réaliser un film et d’en être l’actrice principale…
Comme je ne répondais pas, il continua. Sa voix était enjouée. Il m’expliqua que son idée était de faire une véritable fresque de ma vie, de l’enfance jusqu’à maintenant, qu’il n’attendait que ma réponse pour commencer le casting…
Son enthousiasme m’a tout de même arraché un sourire. Olivier Moll, j’étais flattée.
— Je ne sais pas… Vous savez, j’ai perdu mon mari et j’ai encore du mal à remonter la pente.
— Justement… c’est peut-être salutaire pour vous ce film...
— Sans doute… Mais il y a un problème…
— Lequel ?
— Je ne suis pas actrice…
— Vous avez un naturel inné, j’en suis certain… De toute façon on fera des essais, si vraiment ça n’allait pas, je prendrai une actrice, ne vous inquiétez pas.
Je lui promis d’y réfléchir et de le rappeler la semaine suivante, ce que je fis. Pour lui dire que je souhaitais encore réfléchir. Il fut très patient. Chaque semaine, je reportais ma réponse. J’avais peur de me confronter à moi-même et à mes souvenirs. Je me demandais si me replonger dans les périodes sombres de ma vie allait m’aider, si cela n’allait pas être pire. Certains jours, j’étais convaincue qu’il valait mieux oublier. Je n’y arrivais pas malgré tous mes efforts. Est-ce que le film allait m’aider ou au contraire m’enfoncer encore plus dans une nostalgie morbide ? Je ne savais pas. Je tergiversais. J’en ai donc parlé à ma sœur et elle m’a convaincue : « Diane, ça te ferait du bien, voyons, tu vas devenir une vraie ermite si tu continues, tu vas te momifier, je te jure, tu as une mine épouvantable… Et puis, tu vas découvrir un autre monde, ça te donnera peut-être des idées pour un prochain livre. »
Elle avait fait mouche, un prochain livre… de l’inspiration, j’en avais besoin. Je tournais en rond depuis cinq ans, elle avait raison je devais me remuer, sinon j’allais sombrer inexorablement dans la plus sombre des existences, la bouteille d’alcool à mes côtés. Je devais me reprendre en main et cette proposition de film arrivait à point nommé. D’autant que mon compte en banque avait besoin d’un peu de carburant.
J’ai joué ce matin la scène d’ouverture où je reviens sur les traces de mon enfance. Le film démarre par la fin, c’est très apprécié des spectateurs, m’a expliqué Olivier et ça donne une touche un peu romantique, c’est le seul flash-back d’ailleurs, ensuite, toute l’histoire se fait dans l’ordre chronologique. C’est assez incroyable de se mettre dans sa propre peau, je me félicite d’avoir accepté, les acteurs sont tous adorables et Olivier est incroyable, toujours content, positif, c’est exactement ce qu’il me fallait.
Ce matin, il était d’ailleurs surexcité, ou c’était peut-être hier qu’il me l’a annoncé, je ne sais plus, il m’a dit : « Diane, j’ai trouvé ta doublure jeune… tu vas halluciner, elle est parfaite, c’est toi, il y a trente ans, c’est fabuleux, tellement incroyable ! » J’ai souri également, j’étais heureuse de partager sa joie, cela faisait bien longtemps que je n’avais pas partagé la joie de quelqu’un, mais j’ai eu un pressentiment, son enthousiasme était trop… Et quand on met la barre trop haute, le risque c’est de rater le saut : est-ce qu’elle allait me plaire autant qu’à lui ?
Je me regarde dans le grand miroir de ma loge. Les spots qui l’entourent me renvoient une image triste. Je tente un sourire. Je veux faire bon effet à la jeune fille. J’aime faire bon effet. Toute ma vie, j’ai aimé faire bon effet. J’entends des pas dans le couloir et la lumière des spots si intense me donne chaud tout à coup. Cette foutue ménopause sans doute. Je me mets à transpirer. Je brûle de l’intérieur. J’entends toujours les pas dans le couloir et je vois les gouttes de sueur le long de mon nez, ma peau qui devient moite. J’attrape un mouchoir en papier et j’essuie mon visage. La porte s’ouvre et je la vois.
Olivier se tient à côté d’elle. Très fier de sa trouvaille. Moi, je suis sidérée. Elle me ressemble énormément. J’ai l’impression d’être projetée trente ans en arrière en quelques secondes. C’est un choc et une émotion intense. Ses longs cheveux châtains tombent sur ses épaules bien dessinées et ses bras minces. Elle me regarde de ses grands yeux bleus, légèrement grisés. Je n’ai toujours pas ouvert la bouche. Mes yeux bleus, légèrement grisés également, plongent dans les siens, j’aime regarder les gens dans les yeux, une façon pour moi de sonder leurs âmes. Elle ne détourne pas le regard, au contraire, elle se dirige vers moi, ses yeux bleus toujours plongés dans les miens. Elle me tend la main.
— Bonjour, madame, je suis très heureuse de vous rencontrer, vraiment très heureuse…
Sa voix s’éteint dans un murmure d’émotion. Olivier vient à son secours.
— Diane, je te présente Cassandre… elle n’est pas une simple doublure, figure-toi, qu’elle est une vraie fan de tes livres. Elle les a tous lus. C’est énorme !
Je regarde la jeune fille attentivement. Ses yeux bleus me paraissent immenses dans son petit visage. Tous mes livres. J’écris depuis près de trente ans et j’ai sorti un livre chaque année. Régulière comme un métronome. Excepté ces cinq dernières années où je n’ai rien pu écrire, depuis la mort de Paul, mais mon éditeur ne s’en est pas rendu compte, car j’ai publié mes fonds de tiroirs. Certaines années, il m’arrivait d’écrire plus vite que prévu et dans ce cas j’en profitais pour mettre de côté un texte. Comme l’écureuil prévoyant fait ses provisions pour l’hiver, j’avais toujours peur des mauvais jours. La menace de la page blanche flottait au-dessus de ma tête comme une épée qui pourrait s’abattre à tout moment et cela me rassurait de constater qu’il me restait des billes. De toute façon, Paul m’a toujours déconseillé de publier davantage. Paul, qui était aussi mon agent, mon cher Paul, a toujours voulu ce rythme. Un livre par an. Parfait selon lui. Ni trop long pour éviter que les lecteurs ne m’oublient. Ni trop court pour ne pas les noyer sous une avalanche de personnages. Tout de même, trente livres. Je suis flattée.
— Ah, et vous avez aimé ?
Cassandre me jette un regard brûlant.
— Oh, oui, aimé est un mot trop faible. Vos livres sont tout pour moi… Je crois que j’ai appris la vie dans vos livres… Vous êtes un peu comme la mère que je n’ai pas eue.
Je suis un peu gênée par son aveu. Mais contente en même temps, c’est un sentiment un peu étrange, cette gêne mêlée au plaisir. Mais je trouve Cassandre charmante et si j’avais eu une fille, ma foi, elle pourrait bien lui ressembler. Je n’ai jamais eu d’enfant. C’est comme ça. J’ai préféré écrire. Un livre par an. Paul m’avait dit que les enfants c’étaient mes livres et je l’ai cru. Mais en voyant Cassandre face à moi, j’ai une étrange impression, pourquoi me ressemble-t-elle tant ? Est-ce à force de lire mes romans ? J’observe son visage, ses traits dans les moindres détails. Elle est plus petite que moi, mais c’est imperceptible, quelques centimètres peut-être, compensés par un port de tête droit, presque altier. Son cou est long et fin comme celui d’un cygne. Ses lèvres ni trop fines ni trop pulpeuses sont dessinées à la perfection avec ce petit creux au centre bien défini, cette espèce de renflement charmant qu’on nomme arc de cupidon, on dirait une bouche de poupée. Et ses yeux, mon Dieu, j’ai l’impression de me voir à l’intérieur. Cela me donne la chair de poule et, en même temps, ça me galvanise. Comme si la vie m’appelait de nouveau à entrer dans la danse. Je n’ai que 55 ans, après tout, je peux faire tant de choses encore. Et même si depuis cinq ans, depuis la disparition de Paul, je n’ai pas pu écrire une ligne, je sens qu’il va y avoir du neuf dans ma vie. Je suis curieuse de connaitre la suite. Je m’approche de Cassandre et je la serre dans mes bras. Je ne sais pas ce qui me prend, c’est plus fort que moi. Peut-être est-elle arrivée à un moment particulier. Je la serre de toutes mes forces. Elle se laisse faire sous le regard amusé d’Olivier. Au bout d’une longue minute, je relâche mon étreinte en la tenant par les poignets.
— Je suis sûre Cassandre que l’on va faire de grandes choses ensemble… Merci, Olivier, quel talent d’avoir déniché cette petite merveille !
Cassandre
Aujourd’hui je suis grave[1][*] heureuse. Je vais rencontrer Diane de Belange. Je crois même que c’est le plus beau jour de ma vie. Une espèce d’accomplissement. Tout ce que j’ai fait jusqu’ici c’était pour la rencontrer.
Quand j’ai vu cette proposition de casting, j’ai foncé. Le rôle était parfait. Pourtant je ne suis pas actrice. C’est juste un hobby, une passion. Je suis en Master 2 de finance à l’université Paris Dauphine. J’ai fait du théâtre avec le groupe de l’école jusqu’en 3e … J’ai arrêté au lycée et… Et repris après mon Bac.
Au collège, chaque année, il y avait des spectacles organisés dans des salles. C’était archi cool. J’adorais ça. Une sorte d’apothéose. Je me sentais exister. J’avais l’impression que tout le monde me kiffait[2] le temps d’une soirée, même mon père qui, malgré son humeur morose, venait à chacun de mes spectacles. Je sentais sa fierté de me voir sur scène. Il avait l’air content, presque heureux, je voyais au loin son sourire s’élargir sur son visage légèrement boursoufflé par l’alcool.
À l’époque, j’essayais de lui trouver quelqu’un qui lui fasse oublier ma mère, j’y croyais, coûte que coûte, pire qu’un chat affamé, je ne renonçais pas, je devais combler ce vide, cette faim inextinguible, ce désir fou de voir mon père heureux un jour. Si bien que chaque année, à chaque fin de spectacle, je tentais de lui présenter une maman divorcée dans mon cercle de camarades d’école. C’est vrai que je voulais son bonheur en espérant qu’il refasse sa vie, mais ce désir était aussi un peu égoïste, j’avoue, je souhaitais qu’il soit moins sur mon dos. Mes tentatives échouèrent toutes, il ne s’intéressa à aucune des mamans et son air triste n’en attira pas non plus. Il n’oubliait pas ma mère. La mémoire est bien envahissante, les images récurrentes dans sa tête comme les herbes folles dans le champ de fleurs laissé à l’abandon, il était submergé, au bord de l’asphyxie à la moindre évocation de son souvenir.
J’avais trois ans quand elle est décédée, j’avoue que je ne me souviens pas d’elle et mon père n’aime pas en parler. Comme s’il voulait la garder pour lui, qu’il refusait de la partager avec moi. Je lui en ai voulu de ouf[3]. Puis j’ai compris le jour où il accepta de me montrer quelques photos. J’avais dix ans, j’avais insisté toute la journée, je m’en souviens encore.
Il a sorti un vieil album. Aucune photo sur un ordinateur et encore moins en ligne. Mon père n’est pas à l’aise avec la technologie, contrairement à moi. C’est vrai, c’est de mon époque, mais bon, j’ai des tas de parents d’amis qui s’y sont archi[4] bien adaptés. Mon père n’était pas vieux quand tout cela est apparu, comme une déferlante, mais il s’est muré dans sa coquille. Il n’est nulle part sur les réseaux sociaux. Inexistant. Une ombre. C’est exactement ce qu’il était devenu, mon père était une ombre. Mais une ombre tenace. J’avais toujours l’impression de l’avoir derrière moi, dans mon dos, qu’il allait hurler : « Cassandre, arrête de te gratter le visage comme ça, c’est très laid. » ; « Cassandre, tu as oublié les lumières, merde, c’est toi qui vas payer, peut-être ? » Mon père était une ombre en colère, triste et grise.
Ce jour-là, il s’était assis à côté de moi et avait ouvert l’album comme s’il s’agissait d’un livre sacré. J’ai vu ma mère. Elle était gavé[5] belle malgré le flou de la photo un peu terne, je distinguais de grands yeux bleus plus foncés que les miens. D’un marine assez profond, comme un ciel obscurci par l’orage. De longs cheveux châtains lui tombaient sous les omoplates. J’ai caressé les images comme pour la faire revenir vers moi, juste un instant, et j’ai entendu qu’il pleurait. J’ai refermé l’album et nous l’avons rangé comme on cache une chose précieuse, comme un diamant dont les reflets intenses nous éblouiraient, on l’a caché et je ne l’ai plus regardé. J’ai gardé au fond de ma mémoire son image. Et ça me suffisait.
Jusqu’au jour, c’était en Terminale, Zoé, une go[6] de ma classe, glissa un livre discrètement sous mes yeux.
— Regarde, chuchota-t-elle, regarde la photo, cette meuf te ressemble grave, ce serait pas ta mère « cachée », par hasard ?
Elle avait dit : « ta mère cachée », avec un petit ton détaché et affable de celle qui cherche à rendre service, mais j’avais eu le temps de croiser son regard et vu qu’il brillait d’excitation malsaine. Elle avait retourné le livre pour que je voie bien la 4e de couverture et la photo de l’auteure. Elle avait la hype[7]. Et moi, j’ai eu un choc. Je ne crois pas aux fantômes ni aux revenants, encore moins à la réincarnation ni à toutes ces niaiseries, mais si j’y avais cru je serais sortie de la classe en hurlant de terreur. Mes yeux ont ensuite balayé les inscriptions en gros caractères à droite de l’image : La fiancée du diable, de Diane de Belange. Puis ils sont descendus sur le descriptif de l’histoire : une femme tombe folle amoureuse d’un tueur en série incarcéré dans la prison de Saint Martin de Ré…
Quand j’ai relevé la tête, j’ai vu le petit sourire satisfait de Zoé : « Je peux te le prêter, si tu veux ? » J’ai hoché le menton en signe d’acquiescement et sans la remercier j’ai enfourné l’ouvrage dans mon Eastpak.
En rentrant chez moi, je me suis précipitée pour le lire. Il n’y avait aucune description glauque ou sordide dans ce roman, ou alors très peu et très édulcorée, le but n’était pas là, c’était une étude du mal, essayer d’approcher ce qui pousse des personnes intégrées dans la société à se passionner pour le pire de la nature humaine. Dans le livre la femme est une institutrice sans histoire, mère de deux enfants.
J’étais fascinée par le thème et le style de l’auteure, l’histoire était rythmée comme dans une série Netflix, je n’ai pas vu le temps passer et quand mon père est rentré, j’avais encore le livre dans les mains, allongée sur le canapé du salon. Je lui ai évidemment tendu le roman en mettant mon doigt sur la photo, j’ai dit : « Comme je lui ressemble, papa, on dirait ma mère. »
Il l’a attrapé sans un mot. Il a scruté la photo pendant de longues secondes. Je me souviens avoir trouvé son attitude bizarre. Il a posé le roman sur la table basse et m’a regardée dans les yeux.
— Cassandre, tu n’imagines tout de même pas que cette femme est ta mère ? Certes, tu lui ressembles, je ne vais pas dire le contraire, mais ce n’est qu’une photo ! Tu sais bien que sur une photo des tas de gens peuvent se ressembler, ça ne veut rien dire, sauf me faire du mal… Je ne veux plus voir ce livre de ma vie, tu entends ?
— Mais papa…
— Voyons ! Ta mère est morte. Morte et enterrée… Et je te promets, je te jure que je ne connais pas cette femme. Ni de près ni de loin, qu’est-ce que tu vas imaginer ?
Cette nuit-là il dormit très mal, et moi aussi. Je l’ai entendu rôder comme un fauve traquant la proie qui lui aurait échappé, il furetait dans toute la maison comme un animal, montait et descendait l’escalier en bois qui grinçait à chacun de ses pas. J’entendais au loin, blottie au fond de mon lit, recouverte par les draps protecteurs, j’entendais son désespoir, sa plainte qui grandissait en longs murmures, j’étais terrifiée. Je réalisais que j’avais ravivé une douleur qui commençait doucement à s’éteindre, j’avais soufflé dessus, rallumé le brasier en agitant ce livre…
Je me suis recroquevillée dans mon lit pour ne plus entendre ses sanglots et j’ai fini par m’endormir, vaincue par la fatigue.
Le lendemain, j’ai vu que ses yeux étaient rouges. Je ne lui ai plus jamais parlé de Diane de Belange. J’avais compris qu’il valait mieux refermer la boîte de Pandore, en tout cas pour lui. Moi, je décidais de l’ouvrir en grand : j’achetai tous ses livres. Certains dans le format traditionnel, le bon vieux livre papier, pour ceux qui étaient sortis en poche. J’en ai lu gavé sur ma Kindle également, profitant des offres éclair d’Amazon et aussi en audiolivres. Ce mode de lecture, c’est d’la balle[8], ça m’a permis de lire certains de ses ouvrages plusieurs fois, jusqu’à ce que je connaisse ses personnages dans les moindres détails. Je me préparais à la rencontrer lors d’une dédicace, je voulais l’impressionner. Je ne pensais qu’à ça. Je lisais en allant à l’école, sur mon vélo, en rangeant ma chambre. Tout le temps, pendant toutes ces années, j’étais avec Diane de Belange, avec ses personnages certes, mais je la sentais derrière chacun d’eux, j’avais l’impression d’entrer dans sa vie, d’apprendre des choses qu’elle-même ne savait peut-être pas, d’être aux premières loges. Je n’ai assisté à aucune de ses dédicaces, car je vivais avec mon père à Bordeaux et il aurait fallu que je trouve une orga pour venir à Paris. Le temps d’y penser, il y eut la crise du Covid-19, avec l’annulation de tous les salons. J’ai appris que son mari était mort et elle a vécu en recluse jusqu’à ce qu’elle accepte cette proposition de film. Et aujourd’hui, enfin, j’ai la chance, une chance de ouf, non seulement de la rencontrer, après toutes ces années d’attente, mais de l’incarner, d’être elle à vingt ans. J’ai compris probablement avant qu’elle ne le sache elle-même qu’il y aurait un film sur sa vie. Je savais que le rôle serait pour moi. Il ne pouvait en être autrement.
Je vais rencontrer Diane aujourd’hui et je suis trop excitée. Je marche dans le couloir à côté d’Olivier Moll et je sens mon cœur battre à mille à l’heure dans ma poitrine. Il me précède, ouvre la porte d’une loge et je la vois au fond de la pièce, elle devait être assise quelques secondes auparavant, car son corps se déplie dans un mouvement lent et gracieux. Je m’avance vers elle et nos regards se croisent. J’en frémis. J’ai attendu cet instant depuis tant d’années. Comme un rêve, un fantasme, un désir qui se réalise enfin. Elle me serre dans ses bras. J’ai l’impression de renaître. Comme si j’avais été morte jusqu’ici. Je nais aujourd’hui le 20 mai 2021 et j’ai 22 ans. Je nais aujourd’hui dans les bras de cette femme incroyable, dans les bras de cette femme que j’ai l’impression de connaitre depuis toujours. Elle desserre son étreinte et me regarde avec tendresse, elle n’a pas lâché mes poignets comme si elle souhaitait prolonger ce moment en gardant un peu de ma peau sur la sienne. Elle dit :
— Je suis sûre Cassandre que l’on va faire de grandes choses ensemble… Merci, Olivier, quel talent d’avoir déniché cette petite merveille !
Olivier se tortille de plaisir.
— Je savais qu’elle te plairait. Elle est parfaite n’est-ce pas ?
— Parfaite, le mot est faible, j’ai l’impression de me revoir à vingt ans. Tu es un magicien.
— Un magicien, tu me flattes, ma chérie… Mais merci tout de même, je suis ravi que tu approuves mon choix.
Je me tiens au milieu d’eux, j’ai l’impression d’être en plein rêve, mon cœur déborde de bonheur. C’est une sensation à la fois agréable et douloureuse, j’ai l’impression que je vais exploser de joie. Il faut que je parle pour évacuer tout ça, il faut que je parle sinon je vais me mettre à chialer.
— J’espère que je serai à la hauteur…
Un mot de plus aurait trahi mon état, je sens des vibrations de stress au fond de ma gorge, ces espèces de vibrations qui donnent à la voix une tonalité chevrotante et un timbre trop aigu. Mais ces quelques mots m’ont permis d’évacuer un peu de l’air qui bloquait mon pharynx. Je réussis à prendre une nouvelle inspiration, comme une grande goulée d’air avant un plongeon en apnée et j’ajoute :
— Merci, Diane, de me donner cette chance… je… Je vous promets de faire de mon mieux.
Chapitre 2
Diane
Je ne suis pas obligée de venir sur le tournage quand Cassandre joue, mais je viens tout de même. Je viens et je reste là des heures à la regarder incarner ces instants passés de ma vie. Les moments de joie et de peine, mon premier amour, mes incertitudes, la pauvreté de ma famille, mon désir d’écrire. Je la regarde jouer et je suis éblouie par sa justesse, j’en ai parfois les larmes aux yeux en me replongeant, bien malgré moi, dans ces moments oubliés de ma jeunesse.
Elle crève l’écran, malgré sa timidité, j’ai vu à quel point elle était métamorphosée dès qu’une caméra se pose sur elle. Je ne suis pas une spécialiste dans le domaine du cinéma, mais j’ai demandé à Olivier ce qu’il en pensait et il m’a confirmé qu’elle avait du talent. Je ne sais pas pourquoi, mais cela m’a réjouie.
Je regarde Cassandre jouer mes vingt ans et je suis sous le charme. Cette petite est incroyable. De nature plutôt introvertie, elle se réveille à la lueur des projecteurs, comme une chenille qui sort de sa chrysalide pour revêtir les couleurs du papillon, elle devient ce papillon, charmant, léger et gracieux. Chacun de ses mouvements est juste. Olivier qui déteste recommencer trop souvent une scène, d’autant que les budgets ont reçu un sacré coup dans l’aile avec cette crise du Covid, est conquis par le professionnalisme de Cassandre. Fiable, discrète, obéissante, ponctuelle, nous n’avons pas assez de vocabulaire quand nous parlons d’elle. J’ai même eu l’impression qu’elle faisait des jaloux.
Hier, j’ai intercepté l’œil noir de Paul – je veux dire, l’acteur qui joue Paul jeune – quand j’ai proposé à Cassandre de venir dans ma chambre pour discuter de mon enfance. J’ai évidemment posé la question à la petite, peut-être s’était-il passé quelque chose entre eux, après tout ça n’aurait rien d’étonnant, c’est même fréquent de tomber amoureux de son partenaire quand on est libre et jeune comme ils le sont. Mais elle m’a assuré que non en sirotant le thé glacé et en grignotant le dîner que je nous avais commandé.
— Il est juste jaloux, Diane, c’est sûr, d’abord il trouve qu’il ne joue pas assez par rapport à moi…
Je ne pus m’empêcher alors de m’exclamer :
— Mais, il est sérieux !!! À l’époque Paul, c’était juste un petit copain… On s’est d’ailleurs perdus de vue pendant des années… C’est normal qu’il joue moins, n’importe quel abruti comprendrait ça.
Je riais de bon cœur en me servant une rasade de thé.
— Évidemment, c’est ce que je lui ai expliqué, Diane, mais je ne sais pas s’il a compris. Il est beau gosse, mais il n’a pas l’air très malin.
Je repense à cette discussion de la veille en la regardant embrasser Paul. J’ai les larmes aux yeux, encore une fois. Olivier me regarde. Je lui souris pour qu’il comprenne que je ne suis pas vraiment triste, seulement un peu nostalgique, mais une douce nostalgie cette fois-ci, une nostalgie heureuse comme l’a écrit une de mes… Comment dit-on pour les écrivains ? Collègues ? Non. Nous faisons seulement le même métier, mais nous ne travaillons pas ensemble. Plutôt consœur, c’est cela, comme l’a écrit une de mes consœurs Amélie Nothomb. C’est même le titre d’un de ses livres et c’est ce que je ressens en regardant la scène qui se joue devant moi, une nostalgie heureuse, un souvenir délicieux… Je suis reconnaissante d’avoir vécu des moments aussi beaux, je ne suis pas triste, je suis seulement émue, émue aux larmes. Je souris encore à Olivier et je me dis que le paquet de mouchoirs sur mes genoux n’y suffira pas.
Cassandre
J’embrasse Paul – en vrai il ne s’appelle pas Paul, mais dans le film, si… et je suis dans le film –, un long baiser langoureux sur sa bouche. Je dis bien sur la bouche, car la comédie a ses limites et nos lèvres appuyées l’une contre l’autre restent parfaitement closes. Je remarque du coin de l’œil Diane qui s’essuie les yeux de façon compulsive, mon cœur bat la chamade en la voyant faire, j’imagine le flot de pensées et de souvenirs qui la remue à cet instant. J’en suis à la fois consciente et heureuse. Je suis si contente de provoquer ces émotions chez elle, ma Diane… Je me régale de sa présence, de son attention, de son intérêt pour moi. Elle sait que ma mère est morte, je lui ai dit, mais je n’ai pas donné plus de détails, elle ne m’en a pas demandé, probablement par pudeur, et ça me va bien.
Paul a relâché notre étreinte et je vois qu’il a trop le seum[9], il jette un regard noir à Diane. Elle va penser qu’il est jaloux et stupide. LOL[10]. En vrai, ce n’est pas tout à fait faux, il m’a demandé à plusieurs reprises pourquoi Diane m’invitait dans sa chambre et pas lui. Il a fini par m’énerver à me poser cette question. Du coup, je lui ai répondu avec une mine triste et mystérieuse, comme si j’allais lui avouer un secret qui me coûtait grave et en lui faisant promettre de le garder pour lui.
— Diane ne t’invite pas, car elle ne t’aime pas. Elle ne retrouve pas le Paul de ses souvenirs en toi, elle me l’a dit. Mais bon, comme tu n’as pas beaucoup de scènes à jouer, hein, tu t’en ballec[11].
J’ai vu à ses yeux noirs qui s’étaient assombris et roulaient dans leur orbite comme des boulets de canon, j’ai vu qu’il était en rage, qu’il détestait Diane définitivement. Ça tombait bien, car je voulais la garder pour moi seule.
Nous sommes à la gare de Lille pour tourner la scène du baiser d’adieu. Paul part à l’étranger pour ses études alors que Diane, trop pauvre, reste dans le Nord pour étudier à l’université de Lille III en Lettres modernes. Elle travaille également comme serveuse chaque soir dans un restaurant de la Grand-Place. Ils ne se reverront plus avant longtemps, mais ne s’oublieront jamais vraiment. C’est Diane qui le rappellera en 2001 … Je trouve ça ouf !
Les Belange sont une sacrée famille de déracinés, ils vivaient dans un HLM de la banlieue lilloise et l’été se retrouvaient en famille, enfin ce qu’il en restait, en Dordogne dans le château de leurs ancêtres. Un vieux château fort datant du XIIe siècle, le genre d’endroit où l’on peut croiser des fantômes simplement en allant pisser. C’est trop flippant.
Encore une semaine de tournage dans le Nord et on bouge en Dordogne. Pour tourner l’enfance et l’adolescence de Diane. Après elle n’y est plus jamais retournée à cause de sombres problèmes de succession.
Olivier a également trouvé une petite fille qui ressemblait à Diane enfant, pas autant que moi tout de même, mais une ressemblance crédible. Je sais qu’il s’est inspiré de la biographie de Diane écrite par un journaliste il y a trois ans. J’ai dévoré ce livre, son histoire m’a fascinée. De toute façon, tout ce qui concerne Diane me fascine. Je ne sais pas si elle s’en rend compte, mais je crois qu’un peu tout de même, elle sait que je l’admire et je vois bien qu’elle m’apprécie, je prends chaque jour un peu plus d’importance dans sa vie, et elle, eh bien, elle est la personne qui compte le plus, avec mon père tout de même… Mon père… Et pourtant, notre relation s’est distendue avec le temps, il n’est jamais vraiment là, toujours absorbé par ses patients. Il y a bien ma grand-mère maternelle, mais elle n’a plus sa tête, Alzheimer lui a bouffé le cerveau, elle n’avait que soixante ans. Moi qui comptais apprendre des choses sur maman en allant la voir, j’en ai été pour mes frais. Elle m’a regardée comme si elle me découvrait pour la première fois : « Bonjour, mademoiselle, que puis-je pour vous ? », elle a été vendeuse toute sa vie, les vieux réflexes sans doute. Donc je vis entourée de deux fantômes et pour ce qui est de mes amis, ce n’est guère plus réjouissant. Je ne suis pas la meuf populaire, autour de laquelle gravitent des essaims de « fans », j’ai seulement une ou deux amies, un pote gay, et ça me suffit. Je trouve les jeunes, même à Dauphine, inconsistants, énervants, ennuyeux. Je leur préfère de loin la compagnie des livres, surtout ceux de Diane. Depuis que je l’ai rencontrée, j’ai pris goût à une vraie relation, j’aime être avec elle, sa présence est si intense, même ses silences sont intéressants. Ils me comblent de ravissement. Pour la première fois de ma vie, je me sens exister.
Elle me regarde alors que je termine la scène du baiser d’adieu. Elle est émue. Ses paupières inférieures comme de petits ruisseaux de larmes. Je sens que notre relation évolue de plus en plus. Je m’en suis rendu compte hier soir dans sa chambre, elle m’a caressé les cheveux, j’avais l’impression d’avoir une mère et c’était ouf. Je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie. Elle n’a rien dit quand je l’ai embrassée sur la joue en lui disant : « bonne nuit, ma mamounette… Je peux t’appeler mamounette ? »
Elle m’a regardée, attendrie et a hoché le menton en me serrant la main, très fort, comme si elle avait peur de me perdre.
Chapitre 3
Olivier
C’est une amie qui m’a prêté la biographie de Diane : « Ça va te plaire, Olivier, je pense que tu peux même en faire un film. »
Je connaissais Diane vaguement de nom. Mais en ouvrant le livre écrit par Axel Toussaint, j’ai commencé par les photos au centre de l’ouvrage et je l’ai trouvée fascinante, j’avoue qu’elle m’a tout de suite plu. Elle a un vrai physique d’actrice avec ses yeux bleus incroyables. Je me suis plongé dans la lecture, je flairais le bon sujet, et je n’ai pas été déçu.
Toute sa vie est romanesque, mais son enfance est unique : elle vivait une partie de l’année dans une cité très pauvre du nord de la France et pendant les vacances découvrait une vie de princesse. De princesse pauvre, certes, mais une autre réalité. Un peu hors du temps. Elle était transportée dans un cadre de conte de fées. J’imagine ce que pouvait ressentir une enfant naviguant entre ces deux mondes, la difficulté à se situer, le décalage évident. Mais j’ai discuté avec Diane et j’ai compris que pour elle ce fut différent, elle n’en a pas vraiment souffert, au contraire, elle avait la sensation de vivre dans un roman, d’être une personne unique, indéfinissable, une espèce de fantôme qui aurait traversé les âges. Elle m’a d’ailleurs raconté une anecdote qui m’a amusé et qui n’était pas dans la biographie. Lorsque Diane a accepté ma proposition, j’avais lu le livre d’Axel Toussaint, mais je n’avais pas de scénario précis. Elle m’a invité dans sa maison rhétaise pour qu’on se mette d’accord sur le contenu du film. J’ai dû la convaincre aussi qu’elle serait capable de jouer son propre rôle, je lui ai dit que je connaissais mon métier et lui ai promis qu’elle serait parfaite.
Un soir elle m’a expliqué cette sensation de décalage qu’elle avait intériorisée enfant. Un décalage nourri par ses vacances dans le château de famille.
— Tu vois, me raconta-t-elle, je dormais dans une chambre du donjon… Un matin, que je me levais et prenais ma trousse de toilette comme on emporte un bagage (car c’était une vraie expédition pour aller dans la salle de bain, il n’y en avait qu’une seule pour tout le château), j’ai également attrapé un livre – Les hauts de hurlevent –, en prévision de l’attente qu’il ne manquerait pas d’y avoir. Un de mes oncles se prélassait des heures durant dans la baignoire, installée depuis peu, comme s’il découvrait un nouveau joujou. Donc, armée de mon livre et de ma trousse, en chemise de nuit, je descendais le large escalier à vis et dans le tournant, je me tapais dans… devine ?
— Je ne sais pas, lui répondis-je, un fantôme ?
— Presque… Sauf que c’était moi le fantôme…
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— Eh bien, le château est classé monument historique, donc il y a des visites… Je suis tombée sur un groupe de visiteurs, dans le simple appareil d’une chemise de nuit blanche et vaporeuse, le roman d’Émilie Brontë à la main, ma trousse de toilette serrée contre mon buste. J’ai continué ma descente le cœur battant, j’étais tout de même un peu gênée et je n’oublierai jamais le regard de ces touristes sur moi, merde, j’avais l’impression qu’ils me prenaient pour un fantôme… J’ai traversé le groupe sans dire un mot. Un silence pesant a accompagné mes pas jusqu’au couloir dans lequel je me suis engouffrée comme si j’avais échappé à une meute de vautours. Maintenant, j’en ris, mais sur le coup, je te jure, ça m’a fait tout drôle d’être observée comme ça.
Je me souviens de cet aveu touchant en regardant Diane assise à côté de Cassandre. Les scènes filmées à l’intérieur du château sont toutes terminées maintenant, dans la boîte comme on dit. On n’a malheureusement pas pu tourner dans la propriété de famille à cause de disputes intestines entre les descendants, mais j’ai trouvé un autre château qui fait parfaitement l’affaire. Toute l’équipe peut y dormir et y manger, ce qui est un gain de temps considérable. Et puis, les acteurs sont tous professionnels alors que certains ne sont même pas du métier. La petite Cassandre, par exemple, est plus sérieuse que certaines actrices de longue date. C’est vrai qu’elle a tout à prouver, et c’est ce qui me plaît chez les acteurs sans expérience, ils se donnent en mille pour réussir. Pas de caprice de star, de retard ou de jérémiades, ce sont des bosseurs.
Je suis extrait de mes pensées par la voix du serveur.
— Qu’est-ce que vous prendrez comme dessert ?
Je lève le visage vers lui, prêt à écouter la liste des gourmandises, mais c’est la voix de Diane que j’entends commander pour toute l’équipe des mousses au chocolat. J’acquiesce d’un mouvement du menton en me tournant vers elle pour lui indiquer que j’approuve son choix. Dans le fond, mousse au chocolat ou autre, je m’en moque, je ne suis pas dessert. Je remarque que Cassandre est collée à Diane plus que d’habitude, ou alors je n’y avais pas prêté attention, elle a posé une main sur son bras comme si elle voulait l’agripper. C’est vrai que Diane n’a pas eu d’enfant, peut-être trouve-t-elle en Cassandre un certain amour filial. Après tout, leur entente n’est pas pour me déplaire, c’est même positif pour le rôle, leur osmose ne peut qu’aider Cassandre à s’imprégner de la personnalité de Diane. Leur complicité me plaît et pourtant, je ne sais pas pourquoi, mais je détourne vite le regard comme si je ne souhaitais pas être complice de cette relation.
Aujourd’hui, on tourne la dernière scène avec Cassandre. C’est ensuite Diane qui prendra le relais jusqu’à la fin. Il est prévu de poursuivre le tournage dans sa maison rhétaise. Le contrat de Cassandre s’arrête ce soir. Je me demande comment va se passer la séparation. Je lui en parlerai après, je ne veux pas la déconcentrer pour jouer sa dernière scène.
C’est d’ailleurs un épisode aussi important que tragique dans la vie de Diane puisqu’il s’agit d’un accident qui aurait pu lui coûter la vie. J’ai décidé de faire le changement d’actrice à ce moment-là, Cassandre disparait pour renaître dans la peau de Diane. La séquence de l’hôpital a été filmée lors du tournage à Lille : les bandages qui recouvrent le visage de Diane ne laissant apparaitre que ses yeux, les mêmes yeux que Cassandre, ça donne un plan impeccable pour la transition. Quand le médecin retire les bandes du visage de Diane, le spectateur ne fait plus le lien direct avec le visage de Cassandre. La transition est magistrale. Diane prend le relais naturellement.
J’ai expliqué à Cassandre tout ce qu’elle avait à savoir sur cet évènement tragique de la vie de Diane, d’ailleurs elle avait écrit un roman sur le deuil il y a vingt ans, il s’appelait Un coup du destin, un très beau livre. Mais Cassandre l’avait lu. Comme tous les autres. Je lui ai expliqué comment je voyais la scène, les dialogues enjoués avec Térésa, l’amie de Diane qui est restée handicapée après l’accident. La légèreté de leurs rires et de leurs discours, leur insouciance par un après-midi de vacances à Ibiza – les routes tortueuses de Dordogne feront l’affaire. Elles se dirigeaient vers une crique escarpée et sauvage pour aller nager. Je voulais que le spectateur soit saisi par le décalage entre la légèreté des jeunes femmes et l’instant de la chute, une seconde d’inattention. Diane conduisait et a allumé une cigarette, un virage assassin comme on en trouve beaucoup sur cette île et une falaise, à pic, sans aucune barrière de protection. Elle a perdu le contrôle du véhicule qui a chuté de quelques mètres pour atterrir sur un plateau en contrebas. Diane est restée accrochée à son volant, elle s’y est agrippée comme on s’accroche à une dernière parcelle de vie pendant que Térésa était projetée à travers le pare-brise. Elle eut la chance d’être retenue par un palmier qui amortit sa chute, quelques mètres plus bas, sur le sable fin de la plage de cala d’Hort. Si on considère que c’est une chance de rester handicapée, bien sûr !
Cassandre
Cette scène de l’accident m’a secouée de fou. Premièrement, j’ai eu peur au moment du virage, même si je savais qu’il n’y avait pas de falaise pour de vrai, c’était tout de même violent, il fallait que je fasse déraper la voiture une cigarette à la main. Un tout petit dérapage, le monteur ferait le reste, mais tout de même, je ne suis pas Belmondo et j’ai eu la trouille de ma vie. Secundo, même si je connaissais cette histoire de l’accident par la biographie d’Axel Toussaint, j’ai mieux compris l’intensité de cette tragédie en la vivant. J’ai souffert pour Diane, son amie qui traverse le pare-brise de la voiture à cause d’une putain de clope, je crois qu’à sa place je m’en serais voulu toute ma vie. Très professionnelle, elle a aidé Olivier à peaufiner chaque détail de la scène, elle voulait que tout corresponde à la réalité. Elle m’a semblé concentrée, ça oui, mais pas du tout affectée. Je n’ai pas vu le paquet de mouchoirs comme pour les scènes avec Paul. Pas de larmes. Pourquoi ? Et puis, qu’est devenue Térésa ? Dans un centre pour handicapés, certes, mais pourquoi ne plus parler d’elle après l’accident, comme si elle était sortie du cadre pour toujours. Il y a bien un livre de Diane qui parle d’une jeune femme mutilée après un accident de voiture, mais c’était son mari qui voulait toucher la prime d’assurance. L’appât du gain. Une tout autre histoire. Il y a aussi ce roman sur le deuil : Un coup du destin, où elle parle de la perte d’un être cher et de la résilience. Je pense que ces deux livres n’en sont qu’un en définitive, c’était le moyen pour Diane de se libérer, c’était sa catharsis, elle a transposé ses émotions dans ses personnages et ça lui a permis de guérir. Comme un pansement que l’on applique sur une plaie suintante, elle a posé des mots sur sa douleur et la plaie s’est cicatrisée. Mais il doit rester quelque part, entre les lignes, les stigmates de ce moment-là, de cette tragédie. Est-ce que tout s’efface vraiment ? Est-ce qu’inscrire des mots sur une page suffit à sortir les pensées de la mémoire telle une banale liste de tâches quotidiennes ? Une étincelle et tout peut se raviver, comme un brasier, j’en suis sûre, c’est pour ça qu’elle ne veut pas parler de Térésa et que son visage est impassible quand on aborde cet épisode. Sans doute une façon pour elle de se protéger, les mots sont imprimés maintenant sur le papier, elle n’a pas envie de les réveiller, de soulever le pansement et de gratter la cicatrice. Je peux comprendre ça. Mais tout de même, j’essaierai d’en savoir plus le moment opportun, j’aimerais même voir Térésa. C’est important pour moi de tout comprendre. Je veux tout savoir d’elle, ma chère Diane. C’est comme ça depuis que j’ai 17 ans et ce n’est pas maintenant que ça va changer. Plus je me rapproche et plus je brûle d’en apprendre encore. Des choses que personne ne sait. Qu’elle-même ne sait peut-être pas. Ça me fascine de me rapprocher autant, j’ai l’impression que je commence à anticiper certaines de ses décisions. Comme une forme de télépathie. Je me fonds dans sa personnalité. Mais peut-être que je me fais des idées et que c’est le rôle qui veut ça. Ce qu’on appelle déformation professionnelle, je me glisse dans la peau du personnage que je dois jouer, c’est ce que font beaucoup d’acteurs, après tout. Certains même au point de se transformer physiquement pour ressembler à leur rôle. Léonardo Di Caprio sur le tournage de Revenant, il parait qu’il a carrément dormi dans la forêt pour ressentir les souffrances de son personnage. Je ne suis peut-être qu’une bonne actrice. Une putain de bonne actrice… Non, dans le fond, je ne vais pas me mentir, je sais qu’il y a autre chose, que ça va bien plus loin qu’un rôle. D’ailleurs, Olivier se met le doigt dans l’œil s’il croit que je jouerai dans d’autres films. Si j’étais vraiment une bonne actrice, c’est ce que je serais censée faire, mais il se trompe, je ne suis pas une bonne actrice, j’aurais l’impression de trahir Diane en acceptant un autre rôle.
Je suis certaine que je serais incapable de me fondre dans une autre personnalité que la sienne. C’est comme ça. Je ne sais pas comment font les grands acteurs, Léonardo et les autres, moi je ne pourrai pas. Je le sais. Je connais mes limites.
Diane de Belange sera le rôle de ma vie.
Demain, mon contrat se termine, mais ce n’est pas pour autant que je vais disparaitre de la vie de Diane, maintenant que j’y ai mis un pied, sûrement pas. Il est hors de question que je rentre à Paris, encore moins à Bordeaux chez mon père, je vais les accompagner à l’île de Ré. Diane ne le sait pas encore. Je préfère la mettre devant le fait accompli, ne pas lui laisser le temps de réfléchir. Je parie qu’elle sera ravie de mon initiative. Après tout, je suis en vacances et je peux bien les passer où je veux.
Diane
En ouvrant les lourds rideaux de la fenêtre de ma chambre Louis XVI, je remarque l’agitation dans la cour. Les camions du tournage et le départ prévu dans la matinée. Comme personne ne m’a réveillée, j’ai supposé que nous partirions plus tard. Je sais qu’Olivier est content du rythme du tournage. Il n’a pas arrêté de faire les éloges de Cassandre : grâce à elle le tournage a pris de l’avance, en engageant une débutante, il n’avait pas imaginé qu’elle serait aussi douée, aussi vite et patati et patata, pour un peu je penserai qu’il est amoureux. Je suis un peu jalouse, après tout Olivier a plus mon âge que le sien. Mais bon, les hommes sont attirés par la chair fraîche, c’est connu et puis, moi, je le sais, je ne pourrai jamais recommencer avec un autre que Paul. Rien que l’idée me dégoute. Berk ! me dis-je en pensant au sexe d’Olivier et en imaginant son membre durci s’introduire en moi. J’ai honte. Une bouffée de chaleur m’envahit soudainement. Je presse le bouton du ventilateur. Une rafale d’air sur mon visage me soulage, je commence à me rafraichir, mais tout à coup, une seconde vague me submerge comme des braises mal éteintes qui se raniment, je bous de plus belle. L’idée me vient alors d’ouvrir la fenêtre afin de faire courant d’air avec le ventilateur. Pas facile avec ce mousqueton. Je tire dessus, je m’énerve, il résiste, la paume de ma main commence à chauffer. J’attrape un pan du lourd rideau pour protéger ma peau et je recommence. Ma détermination est récompensée, le mousqueton bouge, je le ramène vers moi et je réussis à ouvrir cette horrible fenêtre. Je suis déçue, il n’y a pas un souffle d’air. Il doit déjà faire 25°au bas mot. Heureusement qu’il y a la clim dans les voitures, sinon, je ne tiendrais pas le choc du voyage, et si j’ai pu dormir cette nuit c’est grâce à l’initiative de Cassandre de me faire apporter ce ventilateur. Ça m’a gênée quand j’ai appris que j’étais la seule à bénéficier de ce régime, mais j’ai accepté ce traitement de faveur, car je n’avais pas envie de terminer mes nuits dans un sauna ou dans le chaudron d’un quelconque magicien diabolique. Foutue ménopause ! Vivement l’air frais de mon île de Ré.
Je me penche légèrement et j’aperçois Cassandre qui me fait de grands signes. Je ne sais pas ce qu’elle essaie de me dire, peut-être au revoir, puisque son contrat s’arrête aujourd’hui. Je lui renvoie son geste en esquissant un baiser de mes doigts en guise d’adieu et je referme la fenêtre. Je sais que ce n’est pas vraiment un adieu puisque je la reverrai à la fin du tournage. Olivier m’a dit qu’il organisait une fête avec toute l’équipe sans compter l’avant-première et la promotion. Je trouve tout de même sa façon de me quitter un peu cavalière, elle aurait pu au moins monter m’embrasser. Mais bon, les jeunes sont comme ça, un jour proche et le lendemain ils s’en vont. C’est bien ce que j’ai fait avec mes parents alors ce n’est certainement pas moi qui vais lui faire la morale. Je suis tout de même un peu déçue, me dis-je en me dirigeant vers la salle de bain et en me réjouissant qu’elle soit plus confortable et fonctionnelle que celle de mon enfance. Je me glisse sous la douche. Je sens l’eau fraîche caresser ma peau, j’appuie sur le distributeur de savon en me disant que de plus en plus d’hôtels utilisent ce type de conditionnement pour faire des économies et que cela ne m’étonne pas des propriétaires. Ils sont très aimables, je n’ai pas à m’en plaindre, mais j’ai repéré leur radinerie à des tas de détails comme celui du distributeur par exemple. Moi qui adore collectionner les échantillons d’hôtel, j’en serai pour mes frais. Je suis devenue une spécialiste pour repérer les pingres.
Je souris en pensant à mes parents avec tendresse et amusement quand j’entends un bruit sourd qui me fait sursauter. Je ferme le jet d’eau et sors de la douche, l’oreille aux aguets…
[*] Lexique de mots jeun’s en fin d’ouvrage.